Révéler les atouts techniques du papier comme matière première d’un produit isolant durable

Innovation Track – Wanderful.Stream
➤ Le challenge d’Ahlstrom-Munksjö, Malmedy

 

La multinationale finlandaise Ahlstrom-Munksjö est présente au Sud de la Province de Liège depuis qu’elle a repris, en 2011, les infrastructures de la papeterie Intermills à Malmedy. 80 sortes de papier intissé y sont produits, parmi lesquels du papier peint haut de gamme et des filtres destinés au secteur de l’automobile. 12.000 tonnes de bobines sortent ainsi de l’usine chaque année, générant près de 427 tonnes de déchets dont l’entreprise étudie depuis quelques mois le potentiel de valorisation. C’est lors du bootcamp Wanderful.stream que l’idée d’en faire des panneaux d’isolant a germé… 

 


 

Un projet circulaire qui répond à la volonté de valoriser tous les intrants du processus de production

Rencontre avec Julie Rabatel, Product Development & Technical Customer Service Engineer chez Ahlstrom

 

Toute l’équipe de Wanderful.stream réunie devant les bobines de papier à la base du projet de revalorisation (à gauche: Julie Rabatel, chef de projet pour Ahlstrom-Munksjö)

 

L’usine malmédienne produit 3 types de déchets papier dont la composition initiale est un mélange de fibres de bois (cellulose), de fibres synthétiques et d’un latex qui sert de liant :

 

  • Une centaine de tonne de non tissé sous forme de bobines, requalifié aujourd’hui en nappes à usage unique ;
  • Une centaine de tonne de non tissé sous forme de vrac, directement envoyé à l’incinération ;
  • Quelques tonnes de non tissé sous forme de rognure générées par un découpage net des bobines, également incinérées.

 

80 tonnes de rognures (ci-dessus) et 170 tonnes de non-tissé en vrac font l’objet des réflexions en économie circulaire menée par Ahlstrom-Munksjö.

 

C’est la transformation du vrac et des rognures en panneaux d’isolants destinés au secteur de la construction que l’entreprise étudie aujourd’hui en participant à Wanderful.stream. Une perspective qui lui permettrait d’éviter, à termes, quelques dizaines de milliers d’euros en dépenses d’incinération !

 

« C’est une donnée financière importante mais elle n’est pas notre seule motivation : il y a une volonté chez Ahlstrom d’aller vers la valorisation de tous les intrants dans le processus de production de l’entreprise. Cela entre également pleinement dans la dynamique innovation qui est la nôtre »
Julie Rabatel, Product Development & Technical Customer Service Engineer

 

La dynamique d’innovation chez Ahlstrom commence dans la collaboration avec ses clients imprimeurs qui produisent des collections de papier peint haut de gamme et pour qui l’entreprise développe des papiers innovants, en adéquation avec les nouveaux procédés d’impression et l’évolution des encres. Une activité de niche qui vaut aujourd’hui à l’usine de Malmedy une place reconnue parmi les producteurs de supports pour papiers peints.

Le message de la jeune chef de projet est clair : ce type de collaboration permet de faire un grand pas en matière d’économie circulaire :

 

« Pouvoir aller jusqu’au prototypage en étant accompagné, c’est une chance ! Seuls, nous aurions les capacités techniques mais cela nous demanderait beaucoup trop de temps. La coordination de Stream soulage particulièrement nos épaules et nous permet de nous concentrer sur le cœur du projet »
 Julie Rabatel, Product Development & Technical Customer Service Engineer

 


 

Maîtriser la matière et sa production pour proposer une solution réaliste et économiquement tenable

Rencontre avec Jean-Michel Denis, Designer industriel

 

Jean-Michel Denis, designer industriel, et Sara Boxus, chargée de projet Wanderful.stream pour Wallonie Design

 

Ce sont ses compétences que Jean-Michel Denis met à disposition de l’entreprise Ahlstrom-Munksjö dans le cadre du projet Wanderful.stream. A l’entame de la collaboration, la découverte du déchet à valoriser a donné lieu aux premiers questionnements : d’une idée de base liée au paperkraft (difficilement réalisable au vu des volumes de déchets à écouler), l’équipe designer-étudiants a petit à petit évolué vers un projet de panneaux d’isolant.

 

« Ce projet correspond à la philosophie du projet : valoriser des rebuts de production pour limiter les déperditions énergétiques dans les bâtiments, améliorer le confort des habitations et diversifier une offre actuelle principalement basée sur des matières chimiques telles que le polyuréthane ou le polystyrène et nécessitant beaucoup d’énergie en termes de transformation, c’est une vraie plus-value »
 Jean-Michel Denis, Designer industriel

 

Après la supervision des étudiants aux prémices du projet, Jean-Michel s’occupe aujourd’hui de la supervision technique. Il mène des recherches indispensables aux futurs développements du produit.

Une approche technique tout d’abord, avec les contraintes de la matière (présence de fibres synthétiques, présence d’additifs divers tels que des pigments…), les contraintes des volumes (rythme de production et donc de disponibilité des déchets pour la transformation, quantité d’isolants potentiellement disponibles…) et les contraintes de production (production de cellulose au départ du papier, potentiel de production selon la typologie des déchets, matériel utile à la transformation…).

Les partenariats potentiels et le marché sont également explorés avec l’aide d’EKLO. L’existence de ce type de production est bien entendu identifiée dans les pays nordiques, là où se trouvent les étendues forestières, et donc le bois à la source de la fabrication de papier. Bien que des sociétés productrices d’isolants existent en Wallonie, les partenariats locaux sont privilégiés, ce qui nécessite des recherches approfondies.

Jean-Michel explore également les possibles applications. Si le secteur de la construction a été tout de suite identifié, la particularité du papier intissé comme matière de base pourrait révéler des surprises, en termes de solidité par exemple, et révéler d’autres potentiels applicatifs.

 

« On n’est pas encore ici dans une démarche de conception mais tout ce travail de recherche permet de faire des découvertes et de maîtriser le projet afin d’établir un cahier de charges complet qui formalisera le projet sur papier. C’est donc une étape cruciale ! »
Jean-Michel Denis, Designer industriel

 


 

La conviction et la motivation de l’entreprise, gages de réussite !

Rencontre avec Pauline Pötgens, consultante chez EKLO, en charge du suivi du projet développé par Ahlstrom-Munksjö

 

Lors d’une visite sur le site de Malmedy, Pauline Potgens, consultante chez EKLO, prend connaissance du processus de production et des déchets générés par l’entreprise.

Le Business Model Canvas, support classique de l’accompagnement de projets, a été complété par EKLO de cases supplémentaires relatives aux flux de déchets générés par l’entreprise ainsi qu’à son efficience environnementale, financière et sociale. Point de départ d’une connaissance pointue de chaque entreprise participante, il laisse vite la place à une étude de marché qui vise à déterminer si la solution proposée et son évolution ont lieu d’être ou non.

Dans le cas du projet de panneaux isolants, une recherche approfondie est en cours sur les types d’isolants disponibles, leur composition, leurs applications et leur composition. La préoccupation d’Ahlstrom-Munksjö pour le développement d’une solution écologique à mettre à disposition du secteur de la construction donne également la direction des recherches à effectuer et des expertises à identifier. Il s’agira d’effectuer des tests de caractérisation des déchets pour déterminer plus précisément les qualités techniques de la solution.

 

 

 

 

 

 

« Dans un premier temps, des producteurs d’isolants, des clients potentiels pour la solution envisagée, des fédérations… vont être contactés pour glaner des informations utiles au projet. D’autres questions suivront qui concernent davantage les normes et la propriété intellectuelle : existe-t-il un produit breveté à base de cellulose ? La solution nécessite-t-elle une requalification administrative du déchet en produit ? Existe-t-il des labels dont pourrait bénéficier le futur produit ? …etc. Tout se fait en synergie avec l’entreprise, c’est un accompagnement à mi-chemin entre la consultance et le coaching, qui est fonction de l’aisance, des connaissances et des affinités des chefs de projet. »
Pauline Pötgens, Consultante chez EKLO.   

 

Une autre question importante sera celle du positionnement de l’entreprise sur la chaine de valeur circulaire. Une fois les ressources nécessaires identifiées, il s’agira de déterminer précisément son rôle : production ? transformation ? commercialisation ? Cette décision sera fonction des investissements nécessaires et des capacités de production propre à l’usine malmédienne.

 

« Le bénéficiaire du projet, c’est bel et bien l’entreprise. Son investissement est donc une clé du succès : comptez environ 4 jours de prestations internes uniquement pour la partie business ! Mon apport personnel et professionnel est motivé par l’entreprise, ses souhaits, son ambition, la qualité de son concept et le nouveau secteur qu’elle veut appréhender ! »
Pauline Pötgens, Consultante chez EKLO.  

 

 

Article rédigé par Emilie Parthoens
avec le soutien du Fonds européen de développement régional.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Articles liés

KIDYWOLF : une aventure créative made in Waterloo

PluO : créer des espaces qui rapprochent

Maison Valençon : un repositionnement premium réussi grâce au design graphique