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Entrevue avec Michaël Bihain, designer par instinct

Michaël Bihain est probablement le designer par définition : capable d’incarner l’esprit libre, l’instinct et un humour décidemment surréaliste avec une connaissance technique poussée jusqu’au moindre détail et une intelligence entrepreneuriale. Formé à la menuiserie (il a été 3e menuisier de Belgique en 1993), diplômé en Architecture d’intérieur, il pratique également le design industriel et la création de meubles et d’aménagements publics. Sa recherche l’amène à interroger le paysage domestique et urbain, de manière intuitive et méticuleuse à la fois. Ses objets passent d’une échelle à l’autre, tout en gardant une forte connotation narrative qui raconte des métamorphoses formelles et fonctionnelles. Elles sont rendues possibles grâce à une sensibilité profonde aux matériaux et à la physique, aux surfaces et aux assemblages, à l’intelligence artisanale et à la technologie industrielle.


Le parcours de Michaël Bihain se fonde avant tout sur les expériences vécues : de son enfance passée à travailler pour le père boucher, à sa rébellion qui l’amène à trouver, dans la menuiserie, son espace de liberté et à utiliser ses mains et son cerveau pour créer. À chaque étape, son talent trouvera des alliés, des mentors qui l’encourageront à aller de plus en plus loin : son enseignant dans l’atelier de menuiserie qui le convainc à reprendre ses études à 14 ans, l’architecte Arlette Baumans pendant sa formation à l’ESA Saint-Luc Liège, Mr Mins en Angleterre pour qui il a créé toute une série de meubles et qui l’a introduit dans l’univers professionnel, et Philippe Starck qui, un jour, a répondu à ses questions sur la profession de designer, malgré une véritable intrusion dans ses bureaux…

Né en 1975 à Verviers, il a étudié l’Architecture d’intérieur à l’ESA Saint-Luc Liège et à la Hull University en Angleterre, avant de vivre et de travailler à Liège, puis dans le Jura en France, et ensuite à Londres et à Bruxelles. Aujourd’hui, il habite à Rosières – « Ma maison, c’est mon dernier chantier » – dans le Brabant wallon avec Charlotte Rodrigues, graphiste, associée et compagne de vie, « une collaboration tous azimuts, très symbiotique ».

« Je crée par l’instinct tout ce qui m’excite ! J’aime porter différentes casquettes et travailler avec des entrepreneurs différents. À chaque fois, je recommence à zéro : un nouveau projet est un nouveau challenge. » 

La curiosité de Michaël Bihain est vorace. Tout ce qui l’entoure capture son attention et son besoin de créer. Esquisses, dessins, maquettes, dossiers, prototypes, échantillons de matériaux témoignent de la variété des sujets et de sa capacité à gérer la complexité de chacun : son espace de travail, qu’il est en train d’agencer dans sa nouvelle maison, est l’archive vivante de sa recherche et de son succès. Persévérant et humble, honnête et direct, Michaël est encore l’enfant de 8 ans qui dessinait avec la pointe du couteau qu’il utilisait pour couper la viande dans la boucherie de son père, ou encore le jeune menuisier qui, sans connaitre un seul mot d’anglais, débarque sur l’île britannique et fait du porte-à-porte pour vendre son savoir-faire.

« Ce n’est pas le « quoi » mais le « comment » qui est le sujet principal de ma recherche… » 

Le point commun de toute sa production est la mécanique de ses créations. Questionnant à chaque fois le fonctionnement d’un matériau, d’une structure, d’un système d’assemblage, le designer remet en question nos habitudes domestiques, ergonomiques ou perceptives, la forme et la fonction d’un objet. Il suffit d’observer ses pièces phares comme le porte-fruits Oyon (encore autoproduit), la chaise Mosquito pour Wildspirit ou la série d’étagères Libri (2009-en cours) pour Swedese (« un mariage d’amour » avec l’entreprise suédoise qui dure depuis plus d’une dizaine d’années), pour comprendre que Michaël Bihain n’est pas intéressé à suivre les tendances du marché, il les ignore. Son langage est l’expression génuine d’une volonté créative à la fois ludique et ingénieuse : « tous mes dessins, c’est des chiffres, des proportions, de la mathématique ». Comme des énigmes à résoudre, il crée de nouveaux codes qui apportent un sens inédit aux objets de notre quotidien, qui nous émerveillent.

De la cuillère à la ville*

Son travail, comme on l’a dit, ne se limite pas à l’aménagement d’intérieur, au mobilier et aux accessoires d’ameublement (pour les privés et pour des marques). Michaël Bihain plonge sans aucune difficulté dans le domaine industriel autant que dans de projets d’aménagement urbain. Récemment, il a réalisé une collection de profilé lumineux LED pour Noël & Marquet, qui a reçu le prix Best of Interior Award 2020 ainsi que le prestigieux Red Dot Design Award. Précédemment, le panneau mural Square avait gagné le MIAW ArchiDesignclub en 2016. Actuellement, dans le cadre d’une collaboration avec l’architecte Jan Defour, il travaille sur un mur acoustique de 1,5 km au Heysel à Bruxelles, une rénovation de villa dans le sud, des trophées pour l’AWEX, et un nouveau profilé cache-rail et LED.

*Cette expression est à attribuer à Max Bill (1908 – 1994), architecte, artiste, peintre, designer industriel et graphiste suisse.

« Mon travail d’enseignant en Architecture d’intérieur à l’ESA Saint-Luc Liège est de transmettre les outils pour structurer la pensée des étudiants à 360 degrés. Leur apprendre à créer un logo, un objet, comment envoyer un plan, déléguer, valoriser et monétiser leur travail, plus que de vouloir révolutionner le design. Bref, les choses importantes dans le monde réel. » 

Cette passion inépuisable, qui semble se diramer vers tout ce qui concerne notre mieux vivre, se doit d’être partagée. L’école est le lieu privilégié pour transmettre et apprendre aux étudiants les techniques du design. Michaël, qui donne désormais cours à temps plein à Liège, va bien au-delà des règles et des notions, essayant de former les jeunes architectes d’intérieur à construire tout d’abord la confiance, à développer un regard prospectif, et à apprendre à faire face à un métier complexe mais possible.


bihain.com

Photos :
© Héloïse Rouard – Ultra Vagues


Article rédigé par Giovanna Massoni,
avec le soutien du Fonds européen de développement régional.

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