Construire une marque rentable et innovante demain 

Comment les tendances peuvent-elles devenir un outil clé d’innovation, de stratégie et de performance pour les marques ? 

Le 25 septembre dernier, Alain-Édouard Antoine, consultant pour Promostyl spécialisé dans le domaine de la mode, était l’invité de Wallonie Design. Au B3, à Liège, il a donné la conférence « S’inspirer du futur pour construire une marque rentable et innovante », éclairant plus d’une centaine d’entrepreneurs et entrepreneuses principalement du monde de la mode et du textile. 

C’est quoi une tendance ? 

“Tendance”, c’est un mot polysémique : utilisé comme adjectif, comme terme financier ou sociétal, il définit une façon d’agir qu’un groupe adopte à un moment donné. Pour Wallonie Design, le mot “tendance” est tourné vers le futur. Il nous incite à aller voir plus loin, plus large, plus profond, comme Gaston Berger, père de la prospective, le dit si bien. Les tendances nous poussent à réfléchir à nos stratégies.   

Que l’on soit entrepreneur·es, étudiant·es ou porteur·euses de projet, les tendances sont des balises qui guident notre créativité et qui nous permettent d’atteindre nos objectifs.  

Le mot “tendance” prend tout son sens lorsqu’on parle de mode, secteur à la fois créatif et stratégique, comme Alain-Edouard nous l’a expliqué durant la conférence. C’est pourquoi il a choisi de s’appuyer sur des exemples du secteur de la mode pour illustrer sa présentation.  

Notre conseil : peu importe le domaine dans lequel votre entreprise se développe, vous pouvez adapter et vous approprier les tendances qui ont été abordées durant la soirée et que nous vous synthétisons dans ce dossier, ou du moins vous inspirer de la démarche entreprise par Promostyl pour les détecter. 

Quelques chiffres sur le secteur de la mode 

Aujourd’hui dans le monde, le chiffre d’affaires du secteur de la mode (vêtements, accessoires et chaussures de tous les secteurs) s’élève à 2.260 milliards d’euros dont 902 milliards pour la vente en ligne (ce chiffre a augmenté pendant la période Covid). 

De manière générale, actuellement, on constate une croissance du chiffre d’affaires mondial. 

En Belgique, le chiffre d’affaires en 2023 est de 7 milliards d’euros (vêtements : 65% – chaussures : 25% – accessoires : 10%).  
Les magasins physiques restent le lieu de prédilection pour les achats. Seulement 10% des client·es achètent exclusivement en ligne. 
Le secteur du textile et de l’habillement occupe près de 13.000 employés dans plus de 250 entreprises dont 95% sont des PME. * 

*Source : Guide des Tendances. Secteur mode. Constats 2023 et tendances 2024. ST’ART Invest
→ Recevoir le Guide des Tendances de ST’ART Invest : plus d’infos

Que nous disent ces chiffres ? Que la mode représente un levier économique essentiel au niveau mondial et que ce marché est loin d’être en crise. 

Guide des Tendances – ST’ART Invest

À chaque territoire de marque ses propres leviers 

Le domaine des marques de prêt-à-porter se divise en cinq segments, répartissant les marques en fonction des valeurs promues, c’est-à-dire des promesses qu’elles font à leurs client·es. 

  1. Supreme luxury 

En trio de tête : Louis Vuitton, Chanel et Hermes. Ces marques influencent le secteur du luxe au niveau mondial depuis 25 ans à travers leur collection, leur campagne de marketing, leur collaboration et leur stratégie. 
→ Valeurs promues : intemporalité, patrimoine, artisanat et savoir-faire. 

  1. Luxe créateur  

Trois exemples majeurs : Off White, Balenciaga et Jacquemus. Elles se positionnent comme marques de luxe porteuses d’originalité. Elles sont leaders de la mode en général et imposent des principes, une méthodologie, qui influencent le marché de la mode en général.  

→ Valeurs promues :  qualité de conception, intemporalité, influences sur les tendances générales, créativité, originalité, innovation. 

  1. Premium, luxe accessible et lifestyle 

Trois exemples majeurs : Nike, Ralph Lauren et Lacoste 

→ Valeurs promues : qualité perçue, notoriété et reconnaissance, confort, fonctionnalité, influence culturelle. 

  1. Mass Market / Fast fashion 

Trois exemples majeurs : Zara, H&M et Asos 

Elles se caractérisent par leur rapidité d’action et un positionnement de prix attractif. 

→ Valeurs promues : traduction rapide des tendances, positionnement de prix attractif, rotation rapide des styles, omnicanalité forte (= utilisation de tous les canaux possibles – en ligne ou hors ligne – afin de maximiser ses liens avec les client·es.) 

  1. Ultra fast fashion  

En trio de tête : Shein, Temu* et Primark 

Se caractérisent par leur réactivité aux tendances et leur prix très attractif. 

→ Valeurs promues : innovation incrémentale (évolutions mineures des produits, jamais radicales, n’en modifiant pas les caractéristiques de base), prix extrêmement attractifs, largeur d’offre très étendue, rapidité de fabrication, logistique très performante (qui les rend très rentables). 

*Temu a été fondé en 2022. L’évolution de ce site web de commerce en ligne est fulgurante puisqu’en 2 ans, son chiffre d’affaires le place en tête de son secteur.  

Un clivage croissant de la société, une situation géopolitique en bouleversement 

Analyser la situation aujourd’hui pour anticiper les besoins de demain 

Malgré l’attention croissante de bon nombre de consommateur·rices à dépenser de façon raisonnée dans l’habillement et les accessoires et une sensibilité accrue à la notion d’obsolescence, le chiffre d’affaires lié à la mode ne cesse d’augmenter. Pourquoi ? On retrouve de plus en plus de consommateur·rices à travers les pays émergents.  

Il est essentiel aujourd’hui de tenir compte de cette réalité économique.  

Actuellement, au niveau mondial, on assiste à des tensions sociologiques, politiques et gouvernementales croissantes. On constate également une importante remise en question du système de la mode, de la consommation à la distribution.  

Le problème est collectif et les marques doivent travailler ensemble pour relever de nombreux défis et satisfaire ce que les client·es voudront demain. La mode doit être sensible aux évolutions de la société sous tous ses aspects afin d’anticiper les besoins et être en accord avec les valeurs de leurs client·es. 

Six aspects sociétaux que les marques doivent prendre en compte aujourd’hui, pour anticiper ce que voudront les client·es demain :  

  1. La société et le spectre des âges 

L’inclusivité ne devra plus être une option. Les marques devront intégrer une approche transgénérationnelle à travers leurs offres produits et éviter de ne créer que pour des segments singuliers.  

Sunnei – Fashion Week printemps/été 2025
  1. La technologie et l’IA 

La technologie fait partie de notre quotidien et l’IA est un outil qui ne peut plus être laissé de côté. Les marques de demain doivent l’intégrer dans leur stratégie, la domestiquer et l’utiliser comme technologie intentionnelle (= qui tient compte des valeurs humaines, c’est à dire des impacts sociaux, éthiques ou gouvernementaux).  

  1. Environnement, révolution bio-industrielle et bio-innovation 

Il est urgent pour les marques d’intégrer des matériaux durables et de minimiser l’impact environnemental que cela soit au niveau de la conception, de la production et de la commercialisation. Comment ? En ayant recours à la bioénergie, en incluant des biomatériaux, en développant des chaînes d’approvisionnement en ce sens et en créant des partenariats. 

  1. Réseaux sociaux et monde virtuel : engagement et désengagement 

Les réseaux sociaux accompagnent les marques dans leur image. Ils comptent aujourd’hui 5,3 milliards d’utilisateur·rices (augmentation de 5,6% en 2023). 

Alors que ce chiffre ne cesse toujours d’augmenter dans les pays émergents, dans notre société en 2025, on prévoit un désengagement que l’on constate déjà progressivement aujourd’hui chez la « Gen Z » (génération de personnes nées entre 1995 et 2010). En cause : la surveillance numérique croissante, la prise de conscience des dangers provoqués par la vie chroniquement en ligne et par conséquent la nécessité de bien-être mental, le ras-le-bol face à la superficialité véhiculée, la fatigue numérique, etc. 

En réaction à ce désengagement, on constate actuellement le développement de la « dumb tech » (par exemple, le retour des téléphones servant uniquement à téléphoner et à envoyer des textos) ou de la slow tech (qui invite à définir la place que la technologie occupe dans nos vies. La slow tech ne vise pas à écarter les outils technologiques mais à les redéfinir en fonction de nos besoins et à ceux de la société). 

Il est impératif pour les marques de tenir compte de ce désengagement en proposant des alternatives en dehors des mondes virtuels. 

© Nokia
  1. Polarisation de la consommation  

Les différences économiques ne font qu’augmenter dans notre société et cela se reflète dans nos comportements de consommation. On le voit aujourd’hui au travers de deux extrêmes : alors que le luxe explose, l’ultra fast-fashion prend elle aussi beaucoup d’ampleur.  

C’est pourquoi les marques doivent faire un choix dans leur positionnement et être précises dans leurs promesses.  

On voit par exemple Zara en train de se positionner progressivement comme une marque premium, montant en gamme et utilisant les codes du luxe dans sa communication. Elle pousse de la même façon les autres marques à se repositionner. 

  1. Recherche d’authenticité et de sens 

On constate actuellement un épuisement général des consommateurs et consommatrices, une baisse d’intérêt pour le produit de mode, ou encore une aversion pour le consumérisme excessif. Le·la consommateur·rice est en effet en recherche d’authenticité que la marque devra lui apporter au travers de ses produits et de l’expérience qu’ils confèrent. 

La marque Apple, par exemple, réagit et place la sensorialité au cœur de sa stratégie. En jouant sur les couleurs, les textures, les formes ou l’éclairage, elle offre à ses client·es une expérience agréable. 

Clés marketing et leviers de réussite 

Les recommandations et exemples donnés par Promostyl 

  • Une identité de marque favorable, positive et forte 

Les marques doivent se positionner comme un acteur positif de l’industrie de la mode en créant une connexion émotionnelle et mémorable afin de renforcer la notion d’attachement. Sans cette connexion, les client·es passeront à côté. (Sachant que le temps d’attention moyen sur les réseaux sociaux dure 7 secondes pour la « Gen Z »). 

→ Jacquemus, en racontant des histoires, apparait authentique sur les réseaux sociaux que la marque utilise comme un journal intime. Sa force réside d’une part dans le maintien d’une certaine exclusivité grâce à des prix très élevés, et d’autre part dans la création d’une proximité avec son public à travers un storytelling personnel sur les réseaux sociaux. Résultat : ses followers l’adorent.   

© Jacquemus

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  • Légitimité et authenticité 

Il est essentiel pour les marques de se montrer authentiques et crédibles dans leurs messages.  

Il existe deux types de légitimités :  

La légitimité traditionnelle repose sur un savoir-faire et une tradition véhiculés au travers de la marque 

La légitimité charismatique repose sur la personnalité de son fondateur.  
→ Off White, marque de prêt à porter de luxe, repose typiquement sur ce type de légitimité et se positionne comme marque pionnière de street couture (positionnement unique au moment de sa naissance en 2012). Son fondateur, Virgil Abloh, a redéfini le code du prêt-à-porter de luxe masculin. 

  • Marché cible et persona 

Les besoins sociaux des consommateur·rices doivent être cernés par les marques qui doivent ensuite activer les leviers culturels dans leurs valeurs. La dimension culturelle est essentielle et permet aux maisons de luxe de vendre à peu près tout. 

→ En symbolisant l’élite tout en étant une marque « populaire », esthétiquement accessible, Louis Vuitton utilise des codes sociaux et culturels forts. 

© Louis Vuitton
  • Innovation et technologie  

Les marques doivent investir dans la technologie et l’IA à tous les niveaux, de la conception à la distribution. La technologie est absolument incontournable. 

→ La marque américaine de fast fashion, Fashion Nova, maximise l’usage de la technologie à tous les niveaux. Marketing digital, social media, logistique, production, la technologie est partout dans sa stratégie. La marque a par exemple maximisé son impact publicitaire à travers l’IA (grâce à des campagnes cibles et à l’utilisation d’hashtags spécifiques). Sa réussite tient à la forte fidélisation qui existe autour d’elle et qu’elle doit à la technologie.  

  • Mondialisation et différenciation 

À force de développer une addiction aux résultats et aux likes sur les réseaux sociaux, les marques ne développent parfois plus que ce qui fonctionne pour les consommateur·rices. Le problème est que les marques font alors toutes la même chose et perdent de leur créativité. Il est important de se différencier. 

→  Gvasalia pour Balenciaga a créé des produits qui ne répondent pas à ce qu’on attend de ce “territoire” de marque. Ce qui fonctionne n’est pas le fait de développer un produit étrange, brisant les codes, mais de communiquer efficacement sur ce produit. 

  • Viralité et drop culture 

Certaines marques font du produit un événement, en créant un sentiment d’urgence et en laissant des produits sur le marché pendant une durée très limitée 

→ Le pop-up immersif, la wonder room, fruit de la collaboration entre Jacquemus et Nike. 

  • Transmuter le produit en expérience 

Les consommateur·rices ne sont plus dans la représentation sociale en acquérant un produit mais dans la recherche d’expérience. 

→ Les flagship Chanel dont la superficie a récemment doublé. Ces espaces offrent des expériences mémorables. 

  • Engagement et stratégie d’élévation 

Utiliser des stratégies qui visent à élever la marque en adaptant continuellement son marché. 

→ Autrefois, le sport était catalogué d’élitiste. En allant chercher le boxeur Anthony Joshua, Hugo Boss utilise les symboles de ce sport populaire. La marque amène de cette façon la notion d’accessibilité tout en restant premium. Elle repositionne la marque vers le haut tout en renforçant son image de modernité. 

© Hugo Boss // Anthony Joshua
  • Un marketing sous contrainte 

Attention au wokisme. Il est important de placer les notions d’éthique ou d’inclusivité dans ses priorités, mais il faut veiller à ne pas paraître hypocrite. La transparence et l’authenticité doivent rester les valeurs premières d’une marque. 

→ Abercrombie & Fitch, bien que considérée comme marque élitiste, s’adapte aujourd’hui à la multiculturalité. Le public reste toutefois méfiant quant à ses ambitions… 

Univers de style // Tribes profiles : quelles recommandations ? 

Les quatre profils types des consommateur·rices de demain et les recommandations de Promostyl pour les atteindre.  

  1. The digital dreamer : leur donner à vivre le monde numérique. 

Ces consommateur·rices sont attiré.e.s par des expériences créatives et immersives et abordent la technologie comme un exhausteur du quotidien, leur permettant de stimuler leur imaginaire. 

→ Cette approche basée sur la technologie place les créations innovantes au premier plan, offrant une expérience sensorielle améliorée et immersive, métamorphosant notre vision du monde. 

© Diesel
  1. The freestylers : privilégier la « vérité » à travers la science et le développement 

Ces consommateur·rices nourrissent un rapport libéré à leur identité en assumant pluralité, juxtaposition et contradiction. Leur goût du « clash » est à la fois audacieux et décomplexé, entraînant un mouvement d’acceptation radicale. 

→ Il s’agit de créer pour ces consommateur·rices de nouvelles références en accord avec leur besoin de s’émanciper des injonctions et de revendiquer l’anticonformisme comme éthique de vie. Les défauts et imperfections sont transformés en motifs, en détails délibérément inachevés, inspirés des micro-mondes (bactéries, microbes, champignons, etc.) qui constituent une base indispensable à la vie sur terre.  

© Miu Miu
  1. The neo-epicurian : les aider à renouer avec eux-mêmes et avec les autres 

Ces consommateur·rices fusionnent des éléments rétros avec une esthétique futuriste, centrée sur l’attrait de la simplicité, et le besoin de reconnexion avec eux-mêmes. L’histoire, le détail, la transmission sont des éléments importants témoignant de leur désir de cultiver l’essentiel en conscience et avec poésie. Résultat : un aspect de renouveau, de vitalité et d’énergie.  

→ Il est nécessaire pour ces consommateur·rices d’actualiser les savoir-faire qui traversent les époques afin de créer un nouveau langage. Les marques doivent les inviter à renouer avec des trésors culturels anciens. 

© Cult Gaia
  1. The mindfull idealist : les atteindre en élaborant des stratégies plus inventives et équitables 

Ces consommateur·rices font l’éloge d’une sobriété heureuse, connectée à la nature. Leur communauté préserve demain tout en faisant sens aujourd’hui. Leur élan d’idéalisme rencontre un pragmatisme éclairé. 

→ Valoriser l’artisanat, favoriser un lien plus profond avec la nature. Se diriger vers l’écoconception et ses valeurs de durabilité en favorisant, par exemple, des compositions naturelles et compostables. 

© Acne Studios

Vous êtes une PME ou un porteur·euse de projet et vous avez envie de traduire les tendances ou les concepts qu’Alain-Edouard a explicités dans votre business, vous avez un projet, besoin d’un conseil ?

Vous souhaitez consulter au Texlab les trois cahiers de tendances (couleurs, women, sport SS26) gracieusement offerts par Promostyl ?

 

Un article rédigé par Manon Dainotti et Marie Dedry,
inspiré de la conférence « Construire demain une marque rentable & innovante » d’Alain-Édouard Antoine de Promostyl,
organisée par Wallonie Design et le Texlab au B3, Province de Liège Culture.
Avec le soutien de Wallonie Entreprendre.

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