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Regards et actions des designers face à la crise sanitaire

Sara

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04.05.2020

Nous vivons, depuis plusieurs semaines, une crise sans précédent. Celle-ci a forcé l’arrêt d’une grande partie de l’activité économique, sociale et culturelle pour ralentir la propagation du virus. On le sait, plusieurs facteurs sont à l’origine de cette situation parmi lesquels : la perturbation des écosystèmes des animaux, la multiplication des transports aériens et le manque de moyens dans les soins de santé. Pour ce dernier facteur, nous avons tous constaté un grand élan de solidarité. Plusieurs secteurs ont proposé leur aide et expertise pour pallier au manquement de matériel. Parmi eux, le design.

La communauté des designers se mobilise partout dans le monde. Cet article vous permettra de comprendre la nécessité du rôle des designers dans cette situation à différents stades de la crise. Dans un premier temps, la place des designers a été primordiale dans la conception de matériel d’urgence. Ensuite, nous verrons qu’anticiper des modifications sociales est un vrai enjeu de ces métiers. Enfin, nous évoquerons le design comme moteur de transformations de notre société.

Réagir avec rapidité et de manière concrète

Comprendre ce qui est nécessaire, quelles sont les ressources disponibles, prototyper rapidement, itérer et partager les savoirs pour être utile et utilisable par le plus grand nombre (open source), voilà comment les designers ont réagi avec efficacité pour aider les travailleurs du secteur de la santé.

Le prototypage est une étape de mise en forme d’une idée et fait partie intégrante du processus de travail du designer. Le prototypage nous montre la réactivité, l’adaptabilité à un secteur spécifique de la part des designers. Les différents fablabs de notre région, grâce à leurs équipes de designers et leurs parcs machines, ont permis, dans l’urgence, de produire des solutions (notamment des visières) à assemblage rapide dont les plans de conception sont accessibles en open source. Cette production à petite échelle, locale et avec des ressources disponibles a comblé une demande urgente en attendant qu’une solution industrielle à plus grande échelle puisse voir le jour.

Visières de protection réalisées par le Relab de Liège. Produites en monomatériaux, ils ont la capacité de produire 1000 visières par jour. Plusieurs hôpitaux ont déjà fait appel à leurs services ! Pour plus d’infos sur le Fablab, voir aussi l’article consacré à son Manager.

Dans cette recherche de solutions de première nécessité, de nombreuses grandes organisations mondiales ont compris l’impact que le design peut avoir dans la lutte contre la propagation du virus et ont mis en place des appels à contributions vers les designers. Par exemple, vers des designers graphiques pour travailler sur la visualisation des consignes de sécurité et de distanciation physique.

Anticiper les besoins

Dans cette situation d’urgence, il est aussi nécessaire de penser l’après confinement. Comment allons-nous nous organiser alors que le virus ne sera pas encore évincé ?

Prenons l’exemple de la distanciation physique qui a un grand impact sur notre vie en communauté, plus spécifiquement sur comment nous vivons l’espace public, l’organisation du travail dans les entreprises et les écoles… Des solutions d’utilisation de ces différents espaces doivent remplacer les barrières nadars, rubans adhésifs et autres marquages au sol installés dans l’urgence. Comment relancer les chaînes de production ? Comment réorganiser les espaces de travail ? Comment repenser l’espace public ? Là encore, le designer a un rôle important à jouer.

Image tirée de l’article : https://www.whatdesigncando.com/stories/design-for-distance/

Envisageons simplement nos déplacements dans une ville au sortir du confinement : les trottoirs sont trop petits pour permettre une distanciation physique suffisante entre deux piétons, les files d’attentes des commerces vont occuper davantage ces espaces communs… Selon l’agence de design de service Vraiment Vraiment, « L’enjeu réside dans la capacité à libérer massivement de l’espace public ». Il faudra également « inventer de nouvelles manières de signifier et d’expliciter les règles de partage ».

La signalétique et le mobilier qui vont, très certainement, être développés pour faciliter la compréhension de ces nouvelles règles, se doivent d’être pensés avec des designers qui intégreront au projet une vision inclusive des usagers. L’objectif n’étant pas de favoriser l’anxiété et la « distanciation sociale » mais bien de parvenir à recréer du lien social, à trouver de nouvelles formes de proximité et ce, malgré la distanciation physique. Le designer aura un rôle clé dans cette réflexion !

Préparer (un nouveau) demain

Dans un article, Jennifer Riel, directrice stratégique de l’agence IDEO nous invite à nous questionner : « La première question à se poser en ce moment devrait être : Comment chacun de nous peut-il jouer son rôle pour mettre fin à cette pandémie ? C’est aussi un moment de réflexion sur l’avenir. Qui voulons-nous être lorsque nous sortirons du pire ? Que voulons-nous que nos organisations défendent ? Ce sont des questions de stratégie – de ce que signifie gagner. »

Voyons aussi au travers de cette crise le défi de faire autrement

Les designers peuvent avoir un rôle dans ce processus de transformation. Aider et accompagner les entreprises pour développer de nouveaux modèles et construire une économie plus humaine, durable et résiliente.

Le designer est un catalyseur qui va de plus en plus prendre part à des problématiques complexes et globales. En collaboration avec d’autres métiers, il amènera autour de la table sa vision prospective et centrée sur les usagers. Il serait donc opportun de tendre progressivement vers un design systémique, discipline encore peu connue dans notre région. Cette méthode de pensée apparue aux Etats-Unis dans les années 50 qui privilégie de penser l’humain au milieu de systèmes et des interactions entre ces systèmes. Des méthodologies développées par des agences de design (par exemple : Nahman a mis au point un Toolkit) voient le jour et permettront aux designers d’aider les entreprises dans leur transformation profonde.

Le Design Council UK a adapté la Danish Design Ladder pour montrer comment l’utilisation du design peut passer d’une utilisation principalement axée sur l’esthétique à une utilisation plus stratégique au sein d’une organisation –> voir systémique en 5ème palier.

Enfin, d’après Peter Friedrich Stephan, designer, stratégiste « (…) nous — les designers — devons analyser rigoureusement nos hypothèses de base. Quelle est notre compréhension d’un objet, de la politique, de l’économie, de l’intervention ? Comment relier les valeurs et les faits ? »

Article co-construit par Sara Boxus, chargée de projets – veille et outils
et Véronique Closon chargée de projets – relations designers