Focus sur Quentin de Coster, designer ambitieux parti en Californie peu de temps après ses études. À San Francisco, il a trouvé l’opportunité de travailler avec des marques de renom, au sein d’agences et en tant que designer interne.
Wallonie Design a voulu mettre en lumière les parcours de designers wallon·nes ayant exercé aux quatre coins du globe. Nous leur avons demandé de partager leurs expériences et les pratiques inspirantes rencontrées en chemin. Ces designers nous ont aussi exposé leur point de vue sur le métier et nous ont confié les conseils qu’ils donneraient à de jeunes designers.
Designer d’origine liégeoise, Quentin de Coster a étudié le design industriel en Belgique et en Italie. Après avoir obtenu son diplôme en 2014, il travaille en tant que designer freelance en Europe, avant de déménager à San Francisco en 2017 pour rejoindre l’agence de design Fuseproject. Quatre ans plus tard, il part chez Thuma pour construire le département de design industriel de la startup californienne. Aujourd’hui, il est à la tête d’une équipe de huit designers qui conçoit du mobilier et des accessoires pour la maison.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours en tant qu’étudiant en design ?
L’école c’est un cadre formel qui permet d’avoir du temps pour s’instruire et pour explorer. J’ai fait un bachelier en design industriel à l’ESA Saint-Luc Liège puis un master à La Cambre, à Bruxelles. Entre les deux, je suis parti pour un Erasmus à Milan, puis j’ai fait un court stage au Danemark. À cette époque, je voulais trouver vers quelle branche du design me spécialiser car le design industriel c’est une discipline large et on ne peut pas tout faire. C’est grâce à mon master à la Cambre, pendant lequel j’ai fait un stage chez Vervloet, une maison spécialisée en poignées de portes et qui a recours à des matériaux nobles, que j’ai pu approcher le milieu du luxe. Ce master m’a donné du temps pour approfondir de nouvelles choses et m’a permis de me familiariser avec un créneau, celui du mobilier et des accessoires.
Comment compareriez-vous la culture du design en Europe par rapport à celle des États-Unis ?
Déjà en Europe, il y a des cultures du design différentes. Par exemple, en Belgique on est plus terre-à-terre et pragmatique que du côté méditerranéen, un peu comme en Europe du Nord. Les Américains utilisent le mot « European design » en marketing qui selon moi ne veut rien dire car il y a encore beaucoup de courants de design différents en Europe et que chaque pays a son propre héritage. Mais pour eux, le terme European design a un sens car ils voient globalement les designers européens comme détenteurs d’une longue histoire, d’une culture conséquente et apprenant dans des écoles particulièrement exigeantes. La culture artistique et l’histoire du design sont relativement moins développées aux Etats-Unis qu’en Europe car c’est un pays jeune. Cela a un impact sur leur manière d’être : ils ont un regard neuf sur les choses et jugent moins rapidement. Il y a un engouement naturel vis-à-vis de l’entrepreneuriat qui booste le business. Par exemple, Thuma est une D2C Company (direct-to-consumer), c’est-à-dire que nous ne vendons qu’en ligne car les consommateurs américains n’ont pas spécialement besoin de toucher les objets en magasin pour les acheter, ils font confiance rapidement. Nous travaillons actuellement à l’ouverture de notre premier magasin en plein Soho à New York, mais nous vivions déjà très bien sans !
Quels conseils donneriez-vous à un·e jeune designer ?
Il est important de se forger sa propre philosophie du design. Dès les études, il faut se gaver de références : lire l’histoire du design, se renseigner sur les différents mouvements, idées et groupes. Personnellement, j’ai toujours été passionné par les mouvements idéologiques du design. La créativité ne vient pas de nulle part ! Il faut être boulimique d’inspirations et trouver des références dans des disciplines comme la mode, l’architecture ou le graphisme. Enfin, il faut comprendre dès le départ que le design, c’est bien plus que de l’esthétisme, c’est du lifestyle !
Que trouvez-vous d’excitant dans le métier de designer aujourd’hui ?
Je trouve très intéressant de construire une marque. Cela se fait en définissant tout d’abord la vision de cette marque, après quoi il faut en créer la roadmap, donc imaginer les produits qu’on proposera et, pour finir, designer ces produits.
Chez Fuseproject, j’ai conçu certains produits qui n’ont pas vraiment trouvé leur place au sein des marques pour lesquelles on travaillait. Avec du recul je réalise qu’on avait souvent pas assez de contexte par rapport aux clients pour lesquels on travaillait.
Aujourd’hui, chez Thuma, avec mon équipe, nous définissons la vision de la marque avec les fondateurs, puis nous dessinons l’ensemble des collections. Le fait d’avoir cette équipe en interne nous donne un contrôle total sur la vitesse et la qualité d’exécution de notre vision! La vision, c’est l’idée principale qui nous vient en tête quand on pense à une marque. Par exemple, pour Nike, on pense « athlétisme et le sport comme lifestyle », pour Apple, on pense « simplicité et élégance de la technologie ». Apple est un bon exemple de stratégie Blue Ocean : cela consiste à rendre la compétition non pertinente en créant son propre marché. C’est ce que nous faisons à Thuma avec la création de notre propre écosystème de mobilier et accessoires.
Pour résumer, ce que je trouve fascinant dans le métier de designer, c’est qu’il permet de construire des marques que les gens vont aimer, à travers lesquelles ils vont s’identifier et se définir. Les gens sont à la recherche d’expériences et les marques visionnaires proposent des produits qui leur offrent ces expériences!
Photo de couverture : © Marie-Valentine Gillard